Sunday, August 21, 2011

ACTUALITÉ Santé
Mediator : une étude souligne
les dérives des prescriptions
Mots clés : Mediator, Prescriptions, Régime, FRANCE, SERVIER, AFSSAPS

Par Anne Jouan, Yves Miserey
Publié le 19/08/2011 à 21:56 Réactions (14)

Présenté comme un ­antidiabétique, le Mediator a été, en réalité, prescrit comme coupe-faim dans près de deux cas sur trois, selon la nouvelle étude. Crédits photo : citizenside.com/citizenside.com
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Les effets secondaires du médicament sont aujourd'hui encore trop souvent niés par les cardiologues, déplorent certains spécialistes.

Une nouvelle étude enfonce le clou. Réalisée à partir de 2576 fiches de patients ayant pris du Mediator, elle confirme que ce médicament a été prescrit majoritairement en dehors de son autorisation de mise sur le marché (AMM). Présenté comme ­antidiabétique, il a été en réalité prescrit comme coupe-faim dans près de deux cas sur trois. «Notre étude permet de mettre en évidence une caractéris­tique majeure de cette crise sanitaire : le mésusage du produit», souligne David Koenig, l'auteur de l'étude publiée le 8 août sur le site de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Les femmes en surpoids ont été les plus nombreuses à prendre du Mediator hors AMM.

L'étude confirme également que les attaques des valves cardiaques augmentent avec la dose et la durée du traitement. Elle fait bien ressortir que certains médecins ont eu parfois la main très ­lourde. La moitié des patients ont pris trois comprimés par jour, la posologie conseillée dans le cadre de l'AMM, mais «2,6% en ont reçu plus de trois, avec un maximum de 9 comprimés pour un patient». Plus de la moitié des personnes ont eu une durée de traitement supérieure à deux ans, et 12% ont pris du Mediator pendant dix ans. Dans un contexte de mésusage, ces modalités de prescription apparaissent largement abusives.

Valvulopathies inexpliquées
Les fiches comprennent des données cliniques succinctes et une échographie. Elles ont été transmises à l'agence entre décembre 2010 et avril 2011 par des cardiologues volontaires. L'initiative a vite été abandonnée «pour des raisons méthodologiques et de faisabilité». Une nouvelle enquête a été lancée depuis en collaboration avec les centres de référence de cardiologie, sous la houlette des deux principaux syndicats de cardiologues.

Que l'on ne se méprenne pas. L'étude de l'Afssaps avec ses 2576 fiches n'a rien d'un recensement. En effet, 5 millions de personnes ont pris du Mediator en France de 1976 à 2009, dont 20% seulement étaient diabétiques. «Le vrai recensement des victimes va se faire via le fonds d'indemnisation et non pas par le biais des cardiologues, dont beaucoup sont dans le déni», souligne Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, qui a bataillé pour l'interdiction du médicament.

«Aujourd'hui encore, beaucoup doutent du lien entre les fuites des valves et l'exposition au Mediator.» Selon elle, depuis trente ans, la médecine interprète ces symptômes soit par un rhumatisme articulaire soit par une dégénérescence. «Les médecins n'arrivent pas à changer de raisonnement», déplore-t-elle. Une analyse confortée par une étude du Pr Gilbert Habib, de l'hôpital de la Timone, à Marseille, publiée dans l'European Journal of Echography. Il montre en effet que sur 47 patients ayant une valvulopathie inexpliquée, 44 ont pris du Mediator (96 %).

Depuis que les patients ayant pris du Mediator ont été appelés par les autorités sanitaires à contacter leur médecin, le Dr Georges Chiche, cardiologue au CHU de Marseille, en a reçu une centaine. «Un quart d'entre eux ont une fuite aortique minime. Mais j'ai eu trois cas graves nécessitant un suivi sérieux et peut-être une chirurgie dans les mois à venir», résume-t-il.

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